C’est le port le plus ancien de Marseille. Il a pris son essor dans la paisible Calanque du Lacydon, en l’an 600 avant notre ère. Situé au pied de trois collines, Saint Laurent, Les Carmes, Les Moulins, il s’est développé au fil des siècles, après l’union du phocéen Prôtis et de Gyptis, la belle ligure, et grâce à l’énergie de ses vaillants occupants venus de tous horizons et les vicissitudes de l’Histoire. Il prend successivement les noms de Massalia (nom attribué par les grecs), Massilia (sous la domination romaine) et Marsilho (dès la période médiévale).
Les vestiges du premier port phocéen construit sur la rive nord, furent découverts, en 1967, lors de la construction du Centre Bourse. Ils attestent de son importance, dans les périodes grecque et romaine. On y distingue parfaitement la Corne du port d’origine, plus avancé dans les terres, le grand réservoir carré d’eau douce où les marins venaient s’approvisionner, une ancienne voie romaine, une bouche d’égout, un pan de remparts…
Le bateau du IIème siècle découvert là, pendant les fouilles, est exposé à l’intérieur du Musée d’Histoire de Marseille, dans le sous sol du Centre Bourse.
Quant aux deux épaves découvertes dans le sous-sol de la place Jules Verne, derrière la Mairie, en 1993, lors de la construction d’un parking, il est attesté qu’elles datent de 600 ans av. J.C. Ce sont les plus vieilles connues au monde.
Robert Roman, chasseur d’épaves et ingénieur d’études au CNRS a fait appel à Denis Borg, reconstructeur d’épaves, à Marseille, dans l’anse du Pharo. Leur grand projet commun était de reconstruire une galère, selon les méthodes de l’époque (à l’aide de ligatures végétales, comme cela se faisait, dans la Grèce antique) et relier Marseille à Phocée, en Ionie (sur la côte ouest de l’Asie Mineure). Sous la direction de Patrice Pomey, du Centre Camille Julian, à Aix-en-Provence, la réplique d’une galère, Gyptis, a été réalisée, après modélisation sur ordinateur. Des essais de navigation ont eu lieu dans les abords de Marseille, depuis 2014. (Certains techniciens sont allés en Inde, pour voir ces bateaux cousus que l’on construit encore).
Le Musée des Docks Romains, Place Vivaux, créé en 1947, lors de la reconstruction de certains quartiers détruits par les allemands, présente une autre preuve de l’importance du Vieux Port, entre le VIème siècle av.J.C. et le IVème ap. J.C. Il s’agit d’une trentaine de dolia (singulier dolium, en latin), sorte de citernes à vin ou à huile comme en fabriquaient les romains. Ces grosses amphores pouvaient contenir jusqu’à 1200 litres (certaines 2500) et être entassées dans les cales des bateaux ; une vingtaine d’épaves de cette époque ont été trouvées dans la rade de Marseille. Une galère de César des IIème –IIIème siècles av.J.C. découverte en 1864, est exposée dans le musée.
Sur la rive sud, s’est développée une carrière d’où l’on extrayait les pierres de construction, si utiles à la cité naissante.
Le port prospère grâce à la pêche, aux constructions navales, aux fabrications de charpentes, de cordages de chanvre (en provençal « canebe », mot à l’origine de Canebière). En 1265, le Comte de Provence, Charles Ier, fait construire 30 galères dont on vérifiera toute l’utilité, non seulement dans la vie économique de la cité, mais aussi vers l’an 1282. On constate, en effet, bien des actes de piraterie et des guerres qui entraveront l’évolution du port. D’ailleurs, en 1291, Charles II décide de créer un embarcadère militaire, et en 1296 naît l’Arsenal des Galères qui prendra toujours plus d’importance. Le port était protégé par une chaîne, mais cette protection sembla bien dérisoire, quand on constata sa disparition, après une attaque de galères espagnoles, en 1423 (aujourd’hui, la chaîne est exposée sur les murs de la cathédrale de Valence, en Espagne).
En 1660, Louis XIV redonne tout son lustre à l’Arsenal en déclin, pour rivaliser avec l’Espagne et l’Italie. Une zone est réservée aux galériens condamnés aux travaux forcés. C’est encore, sous Louis XIV que sont construits la Tour du Roi René, l’Hôpital de l’ordre hospitalier de Saint Jean de Jérusalem et le Fort Saint Nicolas, sur l’autre rive. Notre actuel Hôtel de Ville fut érigé en 1666, toujours sous le règne du grand roi, en remplacement de la maison de ville construite, en 1599 par « la Loge des Marchands ».
Ce n’est qu’en 1748 que les Arsenaux des Galères, tombés en désuétude, furent transférés à Toulon. Les derniers bâtiments, à Marseille, détruits en 1787, seront remplacés, plus tard, par de nouvelles rues et places. De tout cela, il ne reste aujourd’hui que la Capitainerie, sur le Cours d’Estiennes D’Orves, transformée, depuis peu, en « Etap Hotel » et la Maison de l’Artisanat, n° 21 Cours d’Estienne d’Orves (lieu de rencontres entre artisans, artistes, public).
L’année 1720 fut marquée par une terrible peste qu’aucun dispositif de prévention de l’époque ne put empêcher : ni la mise en quarantaine des bateaux, sur l’île du Frioul, ni la Consigne Sanitaire, à côté du Fort Saint Jean. La maladie fut apportée par un navire marchand, « le Grand Saint Antoine », venu de Syrie ; elle se propagea avec une rapidité fulgurante, décima cinquante pour cent de la population de la ville et un quart des habitants, en Provence. Le Chevalier Roze fit faire le macabre nettoyage par les galériens qui ne résistèrent pas longtemps à la contagion. Un solide réconfort moral fut apporté par les religieux de Monseigneur de Belsunce dont la statue est exposée, devant la Cathédrale de la Major.
Le port actuel est magnifiquement orné par l’Eglise Saint Ferréol dont l’origine remonte au XIIème siècle. Alors, c’était la Commanderie des Templiers. Le Temple ayant été supprimé, il fut remplacé par l’Ordre des Augustins, en 1369. L’église sera influencée par le style gothique (1588). Le clocher, d’influence italienne, est plus récent (XVIIIème). C’est en 1803 qu’elle prend son nom actuel. La façade néo baroque est de Désiré Michel.
Une certaine galéjade circule dans la ville depuis le jour où la frégate nommée « La Sartine » (du nom du Ministre de la Marine de l’époque, en 1780) fut coulée dans la passe du port. Les marseillais s’en moquèrent bien en disant que la « sardine avait bouché le port », puis ils déchantèrent, car la ville n’étant plus approvisionnée, la faim commença à s’installer partout, jusqu’à ce que le bateau pût être enfin dégagé.
Mais la carte postale chère aux marseillais est sans conteste celle où l’on aperçoit le Pont Transbordeur. Dessiné par Ferdinand Arnodin, il fut construit en 1905. Il offrait une armature métallique et une machinerie avec nacelle permettant de transborder passagers et divers matériels, entre le Fort Saint Jean et le Fort Saint Nicolas. Une charge d’explosifs allemands eut raison de lui, pendant la dernière guerre mondiale. En l’an 2000, lors de grandes festivités, le tout Marseille, en joie, est venu se promener sur une passerelle échafaudée entre deux énormes grues positionnées, entre les deux rives, comme les piliers de l’ancien pont.
Les anciens marseillais n’ont pas oublié, non plus, La Halle aux Poissons, bâtie en 1909 (n°30, Quai de Rive Neuve) reconvertie, en 1975, en théâtre, « La Criée ». La façade, du début du XXème siècle, est classée monument historique. On peut y lire « Criée libre aux poissons ». Mais désormais, c’est le « Centre Dramatique National » où le grand danseur et chorégraphe Roland Petit a exercé son art, pendant vingt-six ans, dès 1972. L’intérieur du théâtre a été restructuré en deux salles de spectacle (800 et 250 places). La « Criée » a été transférée au port de Saumaty, au nord de la ville, avant l’Estaque.
Le Tunnel sous le Vieux Port, bien qu’invisible, fait partie du paysage. Tracé en 1967, entre les deux rives, au niveau des deux Forts, il permet de désenclaver la circulation intense de la ville, surtout depuis qu’il a été prolongé, en direction des autoroutes A 55 (Autoroute du Littoral), vers le nord et A 50 (par le Prado Carénage), vers l’est.
L’un des plus beaux panoramas, sur le port, est certainement la vue que permet le Jardin du Pharo qui surplombe la Rade de Marseille. Napoléon III y fit construire une résidence, pour l’Impératrice Eugénie.
Le Vieux Port de Marseille est un des lieux les plus touristiques de la ville. Les marseillais apprécient que ses deux rives (de la Mairie à la Place aux Huiles) soient reliées, plusieurs fois par jour, par le très fameux Ferry-Boat ; l’ancien datait de1880. Mais, depuis 2010, le vieux ferry, si bien évoqué par Marcel Pagnol, a été remplacé par un autre électro-solaire (aujourd’hui gratuit).
Le Vieux Port de Marseille et le fameux accent de ses habitants ont été magnifiquement illustrés dans des films, comme la « Trilogie » de Marcel Pagnol (« Marius »/1928, « Fanny »/1931, « César »/1935), ou « Honoré de Marseille », film de Maurice Regamey, créé en 1956, avec Fernandel, Rellys, Andrex, Francis Blanche (Comédie qui retrace, de façon burlesque, l’historique de la Cité Phocéenne).
C’est aussi du port que les touristes aiment bien emprunter le Petit Train blanc et bleu (couleurs de la ville), pour se rendre, sans trop de peine, sur les hauteurs du Panier (l’une des parties les plus anciennes de la cité) ou à la Vierge de la Garde.