Son histoire commence au sein d’une carrière de pierres exploitée pendant l’époque grecque. En effet, les premiers siècles de notre ère sont très perturbés par les persécutions des païens menées contre les nouveaux chrétiens. Les grottes de la carrière deviennent des lieux de sépulture pour de multiples chrétiens massacrés, jusqu’à donner naissance à une véritable nécropole.
C’est là, disent certains, qu’est déposé le corps de Victor, officier légionnaire chrétien, martyrisé et décapité, en l’an 302, sous le règne de l’empereur Maximien Hercule.
Plus tard, en l’an 415, Jean Cassien (moine et homme d’église/ 360-435/) y construit une chapelle et écrit les règles de la vie monastique influencées par celle des moines de Palestine et d’Egypte). Cette chapelle initiale existe encore, dans l’abbaye actuelle (« Chapelle de Notre Dame de la Confession », au cœur même de la crypte/ On y trouve aussi des sarcophages d’anciens martyrs dont celui de Saint Victor).
Vers l’an 972, enfin, Guillaume Ier, Comte de Provence et d’Arles, rétablit la paix. L’Empereur Charlemagne se fait le protecteur de l’Abbaye et, en 977, on la voit renaître de ses cendres, avec le secours de la « Règle de Saint Benoît » qui reprend les idées de Jean Cassien. Les bénédictins répandent ces règles dans toute la ville et le bassin méditerranéen. Alors, s’ouvre une période faste, stable, gérée par trois puissances : les vicomtes, l’évêque, l’abbé de Saint Victor. L’abbaye augmente ses biens ; elle gère 440 églises et prieurés, en même temps que les villes environnantes, vers l’Italie, l’Espagne et devient un grand centre spirituel et de formation.
Isarn (1020-1047), légionnaire romain, puis moine, devient l’Abbé du lieu et entreprend la reconstruction de l’Abbaye. La tour actuelle, qui a pris son nom, est celle que l’on traverse, aujourd’hui, pour entrer dans l’édifice. Religieux remarquable, l’Abbé Isarn est canonisé, à sa mort. En 1040, l’édifice est consacré « Secunda Roma » et dépend directement du Saint Siège (Pape Léon IX). En conséquence, l’évêque perd de son autorité et les abbés deviennent les hommes les plus puissants de la région.
Entre les XIIème et XIIIème siècles, la construction est restaurée et agrandie, selon les règles des bâtisseurs romans.
Mais bientôt, la Provence devient un enjeu, entre les comtes de Toulouse et les rois d’Aragon. Les ecclésiastiques, dont les revenus diminuent, finissent par avoir des dettes…
L’année 1348 est encore le début d’une période noire ; la peste ravage la ville et commence la Guerre de Cent Ans. La décadence s’installe…
En 1362, le grand Urbain V fait construire l’Eglise Supérieure qui prend une allure de forteresse, car l’Abbaye avait un rôle défensif, dans la ville. Enfin, l’année 1430 marque le début d’une reprise progressive. Mais au XVIème siècle, les moines issus de la noblesse commencent à s’habiller richement. Pendant la période trouble qui suit, la riche bibliothèque disparaît. C’est le grand désordre, à l’Abbaye. Les interventions de Louis XIV, en 1662, n’empêcheront pas la vie dissolue des moines qui vivent dans la ville ; leur attitude sera peu glorieuse, lors de la grande peste de 1720 : ils se contenteront de se cloîtrer dans le monastère, pour prier. Par la suite, aura lieu la Sécularisation (=passage de la communauté religieuse à la vie laïque)
Après la révolution de 1789, l’Abbaye est démantelée ; les trésors sont volés, les reliques brûlées. Elle devient un dépôt de paille, de foin et une prison. Le couvent abrite des soldats. En 1804, elle est rendue au culte mais on détruit des annexes, pour construire des rues (rue Sainte, rue de la Corse et bien d’autres).
Aujourd’hui, l’Abbaye joue toujours un grand rôle, auprès des marseillais, car cette magnifique église fortifiée est un emblème de la ville, déjà par son aspect puissant, solide qui s’harmonise si bien avec les deux autres constructions militaires que sont Le Fort Saint Jean et le Fort Saint Nicolas (juste au dessous d’elle, à l’entrée du port). Elle est très visitée et très vivante grâce aux messes et aux nombreux concerts qui s’y produisent.
Le son de l’orgue transporte tous les visiteurs et les fidèles qui s’en approchent et l’acoustique est très bonne.
Chaque année, du 2 au 9 février, on y fête la Chandeleur. La coutume ressuscitée en 1781 est empruntée au Moyen Age, où les pèlerins étaient épuisés et affamés. Le 2 février, La Vierge noire appelée « Notre Dame de la Confession des Martyrs » parée de son manteau vert (couleur de l’espérance) arrive par la mer, en même temps que l’Evangile (pour symboliser le fait que c’est par là que sont arrivés les premiers évangélistes de Marseille et de la Provence).
Une procession a lieu, depuis le Vieux Port jusqu’à l’Abbaye. Sur le parvis de l’église, l’Archevêque bénit la ville, la mer et les cierges verts tenus en main par les fidèles ; après une messe, à l’intérieur, il va bénir les navettes, au Four des navettes (à quelques pas de l’église). Ces petits gâteaux secs, en forme de barque, parfumés à la fleur d’oranger, représentent le bateau qui ramena aux Saintes Maries, les Saintes Marie Salomé, Marie Jacobé, Marie Madeleine et Sarah. Les messes s’échelonnent sur une semaine, agrémentées des chants de la chorale de l’Abbaye.